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Devendra Banhart

Voir (CAN) | by Marie Hélène Poitras

Devendra interview/show preview Montreal

Devendra Banhart, étoile scintillante d'un renouveau folk passionnant, écrit de merveilleuses bluettes qui laissent croire qu'il a tous les âges en même temps. Rencontre avec un intouchable qui porte la barbe, un turban, des bottes de cow-boy et une veste de velours.

Difficile de localiser Devendra Banhart dans l'espace. Prodigieux chef de file du renouveau folk, celui qui porte un nom de gourou indien, des tatouages tribaux sur les mains, une barbe de patriarche à 23 ans et charrie la sensibilité d'une vieille âme qui aurait tout vu et tout vécu sans jamais être blasé par les détails du monde est né au Texas, a passé son enfance au Venezuela, étudié les arts à San Francisco, pour ensuite fuir vers Paris. Il vit aujourd'hui aux Saintes-Maries-de-la-Mer entouré d'amis et de chevaux sauvages dans un vieux village gypsie tout en rêvant de nouveaux territoires. "Je suis très excité à l'idée de venir faire un spectacle à Montréal. En fait, j'envisage d'acheter une maison en Nouvelle-Écosse, au Cap Breton, et d'y déménager l'été prochain. Mon père et moi avons repéré une vieille ferme là -bas, le terrain est traversé par une rivière."

Devendra Banhart lançait en 2003 un premier album, Oh Me Oh My..., mais c'est avec son récent diptyque qu'on l'a découvert. Plus tôt cette année, Rejoicing In The Hands fut lancé, suivi de près cet automne par Niño Rojo. Mais il fut un temps pas si lointain où celui que l'on rapproche de Nick Drake et de Syd Barrett errait sans domicile fixe, enregistrait ses bluettes sur le répondeur de sa blonde. "Ça fait longtemps que j'ai arrêté de chercher une demeure dans l'espace physique", raconte-t-il. Et on le croit puisqu'on a encore cette phrase étampée dans l'oreille et dans le cœur, entendue sur Rejoicing In The Hands où il chante avec cette voix étrangement belle et androgyne que c'est dans une vieille chanson folk qu'il a trouvé sa maison.

DEUX TEMPS UN MOUVEMENT

Enregistrés en 10 jours, les deux albums du prolifique Devendra Banhart sont autant de preuves d'une rare fécondité. C'est dans le salon d'une vieille maison du sud de la Georgie (plafond haut, plancher de bois, la fenêtre parfois ouverte sur le chant nocturne des cigales) qu'il s'asseyait sur un tabouret 12 heures par jour pour les fabriquer, seul. Quelques micros furent installés pour capter sa voix, sa guitare et les bruits de la pièce. Cru, vrai et dénudé: c'est l'impression qui nous vient à l'écoute des chansons de ce hippie magnifique.

"C'était vraiment agréable pour moi de mener ce projet à terme. Je me suis plongé dans un état d'esprit proche de l'enfance. L'idée derrière ce diptyque, c'est que Rejoicing In The Hands, c'est la mère. Il est question d'un enfant qui va naître: Niño Rojo (ndlr "enfant rouge" en espagnol, une langue que Devendra maîtrise aussi bien que l'anglais). Il est rouge parce que c'est un Indien d'Amérique et c'est lui qui parle sur cet album sur lequel il y a plus d'instruments, ajoutés en studio après l'enregistrement."

Architecte d'une mythologie intime peuplée d'insectes, de petits animaux, de pieuvres et de la grâce psychédélique de leurs mouvements, de mains ouvertes qui invitent à la célébration, Devendra Banhart déploie un univers personnel au lyrisme intriqué. On lui a demandé pourquoi ces mains sont si symboliques, semées un peu partout dans le livret du disque: "Le mantra, c'était "Réjouissez-vous dans les mains, elles sont ouvertes", précise-t-il. Elles sont une sorte de métaphore de la vie et de la création. En même temps c'est littéral, car c'est avec mes mains que je dessine et que je joue de la guitare."

Devant une telle profusion créatrice, on cherche à retracer la source, à mettre le doigt sur ce qui inspire Devendra Banhart: "Tout. Les détails. On trouve des détails magnifiques partout, tout le temps. En ce moment par exemple, je suis assis devant un bureau en bois. Il y a ces nervures qui strient les lattes, on arrive même à imaginer le tronc. Je n'aime pas démystifier les choses, décrypter ce qui me les rendaient attirantes... Je n'y pense pas trop et préfère cultiver le mystère."

Une fois qu'on s'est laissé hypnotiser par les vibrants trémolos de sa voix, c'est vers son picking que notre attention louche. Devendra Banhart joue de la guitare comme s'il chatouillait le ventre d'un bébé. "C'est la plus belle chose qu'on m'ait dite sur ma façon de jouer, s'exclame-t-il après cinq secondes de silence au cours desquelles on le croyait disparu. J'ai toujours cru que ça sonnait comme si je me battais avec une mangouste."

Tout au long de la conversation, celui qui ressemble à Che Guevara y va de timides avancées en français.

Mais Devendra, j'ignorais que vous parliez aussi français!

"Non non, je peux à peine baragouiner l'anglais. Les deux seuls mots que je connais en français sont... Oh non, c'est trop stupide."

Je vous en prie, please go ahead.

"La mer et le soleil, c'est tout ce que je sais dire."

Le 11 novembre
À la Sala Rossa
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